Vous connaissez l'expression j'imagine? Vous est-il déjà arrivé de vouloir gérer vous-mêmes un problème qui dépassait vos compétences? Je vous en parle en raison d'une petite aventure techno dans laquelle je me suis lancé comme un apprenti sorcier. Je me suis fait penser à un dentiste qui veut lui-même s'arracher une dent...
Mine de rien, j'ai décidé de gérer moi-même l'hébergement de mon adresse courriel professionnelle vers un autre fournisseur. Le genre de truc qu'un professionnel aurait fait en moins de 30 minutes. Moi, ça m'a pris presque deux jours avant que tout fonctionne "normalement". Recherches, lectures, avec des réponses incomplètes, essais, erreurs... Pourquoi m'infliger ça, me demanderez-vous? Parce que le résultat ajoute d'intéressantes fonctionnalités à mon site web, notamment pour des communications plus efficaces... et parce que je pensais pouvoir m'en sortir par moi-même... :-(
Quoiqu'il en soit, au bout du compte, il m'a quand même fallu le coup de main d'un pro pour m'en sortir...
En gestion du rétablissement des toxicomanies, je vois souvent ce phénomène. Des personnes aux prises avec la toxicomanie, des personnes encore fonctionnelles, travailleur, professionnel, parent, etc, mais aux prises avec cette terrible maladie de laquelle ils s'évertuent à se sortir à force de volonté et d'efforts infructueux. Eux aussi veulent ajouter des fonctionnalités à leur quotidien... améliorer leurs communications. Eux aussi veulent s'en sortir par eux-mêmes. Cependant, ils y vont à l'aveuglette, glanant à gauche et à droite des indications sur comment gérer ce problème.
La honte de chaque échec, vient obscurcir leur regard et le déni (denial) n'aide en rien... Plus ils arrivent à être encore fonctionnels, plus ils entretiennent l'illusion qu'ils doivent s'en sortir par eux-mêmes. Il faut bien qu'ils tentent de s'en sortir par eux-mêmes afin de comprendre que ça ne risque, dans la plupart des cas, que de prolonger leur souffrance. Il leur faudra beaucoup de temps pour admettre que les rechutes répétées sont autant de signaux qu'ils sont dans la mauvaise direction. L'expérience démontre que peu de toxicomanes arrivent à s'en sortir tous seuls.
Pour compliquer les choses, le stigmate de la défectuosité morale est encore bien en
vigueur dans notre société: manque de volonté, moralité douteuse, valeurs à rabais... Ou mieux encore, la croyance que leur toxicomanie est le symptôme de quelque chose d'autre: une difficulté ou un trauma remontant à l'enfance, un échec, un perte douloureuse, une déception amère. Les personnes aux prises avec la toxicomanie se promènent longtemps avec leur catalogue de "s't'a cause" sous le bras avant de comprendre la véritable nature de leur problème...
Bien sûr qu'il y a eu de la souffrance et même des expériences affreuses dans certains cas. Mais surtout ceux qui ont déjà une prédisposition à la toxicomanie s'y retrouvent piégés. C'est un cercle vicieux. Le toxicomane, dans son déni se dit: "C'est normal que je consomme comme je consomme, avec tous les problèmes que j'ai". Mais la réalité est plutôt le contraire: "J'ai tous les problèmes que j'ai, parce que je consomme comme je consomme".
Un coup d'oeil sur l'entrevue d'Anne-Marie Dussault avec le professeur El Mestikawy vous permettra de comprendre la dimension génétique de la maladie. Cette entrevue nous fait voir qu'une personne toxicomane fait face à un problème qui la dépasse.
Peut-être vous demandez-vous si vous ou l'un de vos proches êtes aux prises avec ce problème? Le court vidéo qui suit devrait vous aider à vous faire une tête à ce sujet.
En conclusion, ont est tous confrontés, un jour ou l'autre à des problèmes petits ou grands qui dépassent nos capacités individuelles à les gérer. En ces temps étranges que nous vivons maintenant, l'importance de l'autre n'aura jamais été plus évidente. Demander de l'aide et en accorder, devient une question de survie dans notre société.
Pierre E Rioux, psychosociologue, spécialisé en gestion du rétablissement des toxicomanies.
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